Compte rendu du tournoi du 20 avril 2024 par Pierre
Nous partîmes à 13 et malgré un illusoire renfort nous étions toujours 13 en arrivant à l’Isle sur la Sorgue
Benji, sur la route, ne pointa en effet jamais son groin et nous devions nous résoudre à nous passer de ses inquiétantes percées…
L’accueil fut chaleureusement diététique
Du gras dès 8h30. Nos hôtes nous présentaient fièrement Tintin, suidé élevé amoureusement, qui nous flatta les papilles et dont la chair persillée nous fit briller les yeux, les doigts et les lèvres. Terrines et charcuteries assaisonnées ont laissé sur nos mains une douce couche lipidique matinale qui aurait pu favoriser les en-avants si l’on ne s’était pas léché consciencieusement les doigts.
Dans le vestiaire le constat est imparable
Nous allions devoir tourner sur le terrain pour faire honneur à notre titre. Nous tournerons. Mais seulement pour passer d’un poste à l’autre puisque nous ne sommes toujours que 13. Fort heureusement, certaines équipes, encore moins bien loties de nous, nous permettront de nous présenter à 15 sur le pré.
La pelouse est belle
Fraîchement tondue, balayée par le mistral, baignée de soleil, elle nous remémore avec insistance (et c’est un petit pincement agréable au cœur) que le rugby se joue aussi sur un terrain non synthétique, qui sent le terre et l’herbe fraîche à chaque plaquage.
Nous sommes spectateurs du premier match qui oppose deux équipes de gros devant et gazelles derrière. Ça va vite, ça combine et ça rentre fort. Nous sommes prévenus : entre nos oreilles à tous, un petit génie malin nous rappelle que nous ne sommes pas équipés. Il va falloir aller chercher un peu loin ce qu’il nous reste d’orgueil et d’amour du ballon ovale pour faire face.
La feuille de match n’est pas véritablement impressionnante
Le niveau technique est digne d’un jeudi soir (celui d’avant la 3e mi-temps), et ce n’est pas l’échauffement (une croix passe à droite (pouce à gauche) et un jeu sur deux colonnes avec fixation puis passe dans l’axe…) qui nous rassure. Cependant, petit indice : les ballons ne tombent pas.
Nous entrons sur le terrain sans nous faire de grandes illusions, face aux Farios.
Un vent à décorner les bœufs est de la partie, contre nous lui aussi, dès la première mi-temps.
Le local de l’étape, Jérôme, nous gratifie d’un coup d’envoi magistral qui fait 15 mètres en avant puis 6 en arrière avec le vent. Nous ne saurons jamais s’il fallait siffler ou pas pour le faire retaper.
Peu importe : 10 minutes plus tard nous étions dans nos 22, face à une équipe de furieux Farios, et Christophe C. qui avait raté l’occasion de le faire cette année, en a profiter pour donner son sang. Il fallait le faire et il montra ainsi l’exemple le premier, dans un geste défensif sur une percussion adverse. A l’arbitre qui lui dit qu’il serait bien qu’il aille se faire soigner, il répond, valeureux, que ça va s’arrêter et que c’est presque déjà sec. Le signal est donné : la lutte sera psychologique.
On prend un peu la marée en première mi-temps, mais en 2e mi-temps, on passe notre temps dans leurs 22. Christophe est magistral en touche, Yann fait chauffer les stents et enclenche des mauls, Stéphane se sert de sa tête pour pousser le casque en avant, Christophe saigne mais s’en branle, Bernard change de regard et travaille dans l’ombre et dans l’axe, et Séb ajuste son casque pour la prochaine percussion au ras. À la mêlée Pierre est au bord de l’infarctus et du point de rupture des cordes vocales.
Ça ne passera pas. La balle sera perdue sur plusieurs fautes contestables, mais non contestées en l’absence des esquiches à grande bouche.
Le redémarrage dans le camp adverse sera pénible. Pour eux.
La défense esquiche est solide et, surtout, collégiale. Tout le monde s’y file.
Jérôme pour prouver à ses compatriotes qu’il n’a pas baissé les bras. Thomas qui aime le chocolat. Flavien qui est venu pour distribuer de l’amour, Paul qui monte au feu, Pim’s qui est là pour en découdre depuis 7h le matin.
Personne ne lâche. On se fait trouer sur des ballons cafouillés, rattrapés sans péril par des adversaires opportunistes, aplatis sans gloire par des joueurs aux jambes de feu qui peuvent aujourd’hui se vanter d’avoir débordé nos ailiers sexa, mais néanmoins sexy.
Le deuxième match nous oppose à une entente locale qui aligne une feuille de match de plus de 40 mercenaires avec un coach qui connaît ses joueurs et leur annonce 5 minutes avant à quel moment ils vont entrer.
3 Bigambeu’ varois qui aiment le contact vont alors fièrement porter nos couleurs.
Un d’entre eux, qui a juste l’âge de nous vouvoyer jouera avec ses moyens, non sans plaisir semble t-il, dans une équipe soudée comme jamais.
Les contacts s’enchaînent. L’entente recule , l’esquiche avance. Les ballons volent, le vent fait rage, et… le jeu se met en place. L’esquiche, intelligemment (une fois n’est pas coutume), se rend compte que l’arbitre siffle tous les plaquages hauts.
Le joueur de l’entente qui n’y entend rien, recule de pénalité en pénalité. Dans une maitrise totalement inattendue, les avants jaune et rouge contrôlent leurs ballons. La ligne arrière met le feu au stade: Pim’s récupère des ballons poussés par le vent puis court dans l’axe, Paul fait face aux attaques de tout son corps, à l’ouverture Romain et Jérôme offrent leurs côtes à la défense pour attraper des passes approximatives, Guillaume fait feu de tout bois au centre pour redonner vie à des ballons sans avenir, Flavien n’a pas d’autre choix que de briller devant sa fille de 12 ans spectatrice malgré elle, Thomas défend comme un diable, distribue les ballons qu’il touche, tente des percées improbables…
Le miracle viendra de devant. Les pénalités s’enchaînent et le pack qui a enfin digéré le petit déjeuner riche en ventrèche, a retrouvé sa jeunesse. Inépuisable, il enchaîne les percussions. Les plaquages hauts de la défense adverse se succèdent sans entamer la ferveur esquicheenne.
Seb, lancé dans l’axe fait un écart dont il a le secret, perturbe tout le monde y compris ses coéquipiers, mais conclut en bon avant, en s’écroulant dans l’en-but, 3 défenseurs sur le dos, ballon en main, casque en avant, mâchoire serrée sur son protège-dents !
Le tableau d’affichage esquichéen est défloré.
Il faut désormais tenir le score en commençant par recevoir le coup d’envoi.
Le vent ne faiblit pas, l’esquiche fait face : Paul attrape sans frémir le ballon haut qui flotte dans les airs. Surpris lui-même, il hésite un instant, et galvanisé par les cris de ses coéquipiers fend la bise pour se jeter dans les bras de 180 ou 200 kg de la défense groupée qui monte face à lui. Le soutien est là, le ballon sort de notre côté. Rien ne peut plus nous arriver.
Nous sortirons du terrain sur un score de 1 à 1, en contradiction totale avec notre prestation.
Restait à affronter une équipe totalement imbattable : les Eesquiroles de Clermont l’Hérault dont l’échauffement structuré et collectif ne nous décourage pas: Nous finissons sans sourciller un pichet de bière et reprenons la direction du terrain. Un seul mot d’ordre : faire front.
Et la magie opère une nouvelle fois. L’esquiche est galvanisé par le groupe. Le public en délire, comptant 2 supporters, notamment Christophe R. et la fille de Flavien, fait office de 16e homme. Pourtant nous ne sommes plus que 11,5 sur le terrain (Flavien qui a aussi joué avec les Bigembéu ne peut plus courir et fait le match sur le banc, et Romain qui a lui aussi joué avec les Bigembéu boitille courageusement en bout de ligne malgré une contracture aux adducteurs…)
Nous sommes 15 avec des renforts bienvenus… et nous ferons fièrement face à l’adversité, malgré les assauts de la puissance héraultaise et la vitesse des attaques. Un rideau défensif solide dans la ligne, un pack vaillant qui ne sentait plus si ça piquait ou non, un esprit d’équipe à toute épreuve ont permis de sortir fièrement du terrain.
Le score ne restera pas dans nos mémoires. Seule la bataille fut belle.
La troisième mi-temps arriva enfin après les 6 premières mi-temps âprement disputées sur le pré
Et là, nos hôtes ont été à la hauteur.
Tintin le cochon n’était pas seul puisque pas moins de 6 jambons crépitaient sur la broche, qui ployait sans rompre sous le poids de tant de muscle. Le vent soufflait très fort, la bière coulait, le découpage des jambons précuits dans un bouillon de légumes nous préparait à un repas presque végan.
À l’abri du vent, le côtes du Rhône rouge biodynamique se mariait plaisamment avec le gras fondant du jambon. Le pain frais et croquant, le fromage persillé, le chèvre goûteux, le vin blanc, vif. Les tartes individuelles aux fruits rouges, les tartes au chocolat et nos hôtes qui passaient en permanence pour vérifier s’ils nous manquait quelque chose … tout ressemblait à un festin gaulois
Flavien debout sur sa chaise partageait avec nous, et les Bigambéu, ses talents vocaux sur une chanson riche en rimes et en tendresse : le père abrams.
Il restait une épreuve : une heure de route pour rentrer à Aix.
Nous avons abandonné nos hôtes en souriant, mais avant le défilé dans les rues du village. C’était ça, ou dormir sur place.
Nous avons remis en jeu notre trophée. Il a disparu pendant la réception, va sûrement apparaître à nouveau, mais nous devrons nous battre pour le conquérir à nouveau.
Et l’an prochain, il faudra améliorer notre performance.
En passant une nuit sur place !